Hyper Hardboiled Gourmet Report: papilles et neurones s’emballent!

Par Hélène Lebon

Hyper Hardboiled Gourmet Report: faites un effort pour retenir le titre de cette émission de Tokyo TV, diffusée sur Netflix; vous allez me remercier! 

J’aime la fraîcheur de cette émission. Ne vous attendez pas à voyager avec des images léchées de jolis paysages, dans ce programme, le contenu éditorial prend le pas sur l’esthétique. Après tout, on est plus dans le reportage de société que dans la carte postale d’évasion. Mais côté dépaysement, vous serez servi(e). Lâchez-tout, regardez ça. 


La tête dans l’assiette 

Le journaliste japonais qui signe les reportages est un casse-cou qui, sous ses airs innocents, pose des questions «no bull shit» à ses interlocuteurs. Mention spéciale au commentateur dans la vignette, un comédien et animateur japonais lui aussi, qui décrypte avec nous tout ce qui arrive, entre stupeur et humour. C’est drôle, désopilant, intéressant et très engageant! J’adore le concept de Hyper Hardboiled Gourmet Report: partant du principe que tout le monde doit manger, le documentariste part explorer ce que les marginaux du monde mettent dans leur assiette. Ou leur bol. Ou leur écuelle. Ou leur main; enfin bref, vous avez saisi le concept. 


Cette part du monde au creux du ventre 

Il se passe beaucoup de choses dans notre ventre si l’on en croit nos expressions consacrées. La peur au ventre, des papillons dans le ventre, l’estomac noué. Autant d’émotions nichées au cœur de notre corps. Et puis partager un repas ensemble, c’est une sorte d'intimité, d’acceptation. D’ailleurs, le journaliste n’est pas toujours invité. Cette idée géniale cela dit, toute simple en apparence, est de revenir à la base pour ouvrir une discussion sur les vrais besoins du monde et aussi la définition que chacun se fait du bonheur. Quand le ventre est un peu plus plein alors il se vide le cœur. 


La nouvelle télé fait vraiment voyager 

Il se fait voler puis rendre sa caméra au Liberia, interrompre son entrevue à Hong Kong, il se fait inviter ici, et doit payer là, on voit celle qui se démène, ceux qui se débrouillent. On voit la vie dans toute sa précarité, son éclatante fragilité et l’insouciance qu’on a à la vivre. Sommes-nous si différents de nos ancêtres cueilleurs-chasseurs? Peut-être. Peut-être pas. Cette émission de la Tokyo TV nous amène de quartiers mal famés à des tentes de fortunes, un palace et un village isolé, d’un continent à l’autre, d’une réalité à l’autre. On y voit des humains avec une faim, une foi, une famille parfois. Mais aussi notre réalité crue, l’assiette vide, l’espoir, un battement à l’unisson. Ce n’est pas du tourisme, c’est un tour du monde hors des sentiers battus qui n’est pas sans me rappeler Dark Tourist, une autre série Netflix dont Cheryl nous a déjà parlé, avec le journaliste Néo-Zélandais David Farrier.


Un gars, un concept, mais autant d’ouverture

On est aussi amené à se poser une question. Les gens qui lui répondent à lui, journaliste japonais, vous répondraient-ils à vous? À moi? Peut-être. Peut-être pas. Certains oui, d’autres non. Ce n’est pas contre vous, mais plus contre la charge qui vient avec votre passeport et l’histoire du monde. C’est là toute la beauté et la profondeur de ce type de concept: les personnes rencontrées réagissent à un genre, une nationalité, une culture. Et le journaliste nous parle du monde avec sa propre charge culturelle du monde. Je pourrais ouvrir des portes que lui non, il peut aller explorer des communautés où je ne serais pas la bienvenue, et vous aussi sans doute. Ce concept, je l’aime tellement que j’aimerais le voir décliner par d’autres journalistes d’ailleurs, dans d’autres destinations, voir d’autres portes qui s’ouvrent, d’autres palais qui se remplissent car les préjugés, comme la faim dans le monde, n’ont pas fini de toquer à nos estomacs…

janvier 27, 2021 — Hélène Lebon

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