Love y Amor : Un amour vintage des temps modernes

Par Cheryl Coello

Lorena et Cris travaillent à la maison, comme beaucoup de gens à Quito, dont les vies ont changé avec le confinement qui dure depuis un an. Pour l’entrevue, ils se serrent de l’autre côté de l’écran et je vois qu’ils ont du mal à se détacher du travail! Ils ont en commun la même passion - la danse - et ça me rappelle immédiatement qu’à chaque fois que je rencontre un couple qui me semble inspirant, ils ont ça en commun: l’amour pour ce qu’ils font et, plus exactement, qu’ils partagent. 

La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était pour mon anniversaire, en très petit comité, covid oblige. On jase. Comme nous regrettons que des restrictions plus sévères nous aient rendu difficile de partager quelques bières pendant notre entretien et nous oblige à l’écran. Je ne connais pas Lorena et Cris depuis longtemps, mais la douceur que Lorena m’a laissé entrevoir dans notre classe de danse arabe a éveillé en moi, dès le début, une immense confiance. Un jour, en partageant des histoires d’amour entre amies, elle a dit, avec des yeux brillants: «À moi, mon petit ami m’a offert une petite chienne pour nos fiançailles; quelque chose de bien plus beau qu’une bague.»

Une rencontre sous le signe de la fête 

Ils se souviennent de la date exacte à laquelle ils se sont rencontrés: le 21 janvier 2015. «C’était une fête et un ami en commun nous a présentés.» Autant vous le dire tout de suite, l’Équateur est un pays où les fêtes traditionnelles sont prises très au sérieux. Les gens profitent de ces moments pour partager la fierté de leur région et de leur pays, et c’est quelque chose que mes deux amis équatoriens ont en commun. Ainsi, ils se sont rencontrés à Quito, lors d’une célébration précédant les carnavals de Guaranda, le village où Cris est né. Lorena, qui est fière d’être née à Quito, précise malicieusement: «Je n'étais pas censée être là!» Mais je crois que c’était leur destin et ils sont bien de cet avis.

 

Love y Amor - Lebon Trait d'union

 

Pour Cris et Lorena, il y a eu un avant/après. 

«Tout s’est parfaitement aligné» explique Cris. Lorena venait de sortir d’une relation mais gardait foi en l’Amour. Cris, de son côté, était prêt à partager à nouveau sa vie avec quelqu’un après s’être remis d’un divorce difficile plusieurs années auparavant. «Je l’ai vu danser et j’ai été séduit» me lance Cris en la serrant dans ses bras fièrement. Il faut dire que ces deux-là ont fait les choses «à l’ancienne.»

Prendre son temps quand on a tout le temps

Cris a demandé à leur ami en commun de les présenter, histoire de pouvoir l’inviter à prendre un verre et lancer la discussion. Ils ont d’ailleurs ouvert le dialogue avec une blague, des rires et depuis ce jour-là, l’humour est sans aucun doute un des piliers de leur relation. Ils ont discuté un peu, mais chacun est ensuite retourné à son groupe d’amis initial. Alors que l’événement touchait à sa fin, le «sauvetage» de l’organisateur, qui avait un peu abusé de la boisson, les unit à nouveau. Ils ont raccompagné leur ami chez lui et là, comme dans un film, il a allumé la musique et mis la trame sonore qu’il leur fallait. En avant la musique! Les deux tourtereaux se sont mis à danser et sur les rythmes de la salsa partagée, les voilà oubliant le reste du monde et leur ami. «Ça s’est passé là! Raconte Lorena enthousiaste, on s’est unit dans la danse, c’était un moment parfait!» Et Cris de préciser «Je lui ai volé un baiser!» ce qui fait sourire Lorena me précisant qu’il a avancé ses lèvres en dansant.

Honnêteté, d’abord et avant tout 

Danse, baiser mimé, baiser tout court, Cris n’a pas attendu davantage pour dire à Lorena qu’il était divorcé et qu’il avait une fille. - Je dois dire que ce n’est pas si facile en Amérique latine, même si la situation est de plus en plus courante.- D’ailleurs, il a fallu un peu de temps à Lorena pour se faire à cette idée et quand il l’a invitée à une autre fête le lendemain, elle a décliné. Mais il ne s’est pas avoué vaincu pour autant! Ils ont continué à se parler les jours suivants. «Je voulais apprendre à la connaître» souligne Cris. «Elle m’a dit qu’elle venait de sortir d’une relation compliquée et je lui ai dit qu’on avait tout le temps de se connaître!» Il y a deux caractéristiques de ce couple-là que j’admire particulièrement: l’empathie et la sérénité, mais aussi la sagesse plutôt rare de laisser le temps au temps.

 

Love y Amor - Lebon Trait d'union

 

Un café, des sushis, une prédiction et l’histoire se scelle 

La semaine suivante, ils sont allés prendre un café ensemble. «C’est là que Cupidon a vraiment fait son oeuvre, raconte Cris qui, à ce moment-là, regarde Lorena comme s’il la voyait pour la première fois. «Après, on est allés manger des sushis coréens que prépare une de mes amies» poursuit Lorena. C’est cette amie qui leur révèle alors leur compatibilité, selon l’horoscope chinois. Mais au-delà de l’aval ésotérique, Cris et Lorena ont alors décidé de sauter le pas de danse et de vie pour le reste de la leur.

Des fiançailles à l’équatorienne 

Après avoir partagé la vie l’un de l’autre depuis cette soirée, après avoir traversé ensemble des épreuves difficiles, «le 23 juin dernier, Cris m’a proposé d’être "mon bien-aimé" et moi "sa bien-aimée"» s’émeut Lorena. «Bien-aimée», c’est une façon tendre, un peu pudique, qu’utilisent les Équatoriens et qui, à moi, Vénézuélienne, me semble magnifique, touchant pour tout ce que le terme représente. C’est une étape importante dans la relation, et ils ont alors la certitude qu’ils ont rencontré leur douce moitié. Finalement, Lorena et Cris s’étaient trouvés et ils s’offraient la vie aux côtés l’un de l’autre. 

Un anneau pour couronner le tout 

«Avec un anneau!» s’exclame Cris qui a tenu par ce geste à souligner ce moment marquant de leur histoire. «C’était une façon pour moi de lui dire combien elle est importante pour moi. Je ne l’avais jamais fait avant, mais je voulais lui montrer mes sentiments et mes intentions.» C’est la première fois que j’entends une histoire d’amour comme ça, mais venant d’eux, ça ne me surprend pas. Il me semble que c’est une histoire d’amour digne d’un film ancien, de ces films en noir et blanc qui m’arrachent toujours quelques soupirs. 

Re-former une famille

Après la bague de «bien-aimée», il était temps de rassembler leur famille, à commencer par la fille de Cris. Au fil du temps, ils ont trouvé en chacun les qualités idéales du partenaire dont ils rêvaient. Formidable, mais ils ont quand même dû surmonter un peu de pression en rencontrant leurs proches respectifs, dans un contexte culturel où l’opinion et les sentiments de la famille ont un poids très important, peu importe l’âge qu’on a! Cris raconte: «Je n’avais jamais présenté ma fille à personne, mais ça faisait aussi partie du sérieux que je voulais pour la relation.» Lorena, pour sa part, s’est sentie «à sa place» dès le premier jour où elle a rencontré les parents de Cris, qu’elle a fortement impressionnés.

La belle-fille idéale 

Si Lorena a eu l’approbation de parents de Cris, ce n’est pas seulement grâce à sa personnalité rayonnante, mais aussi pour la nouvelle impulsion positive que Cris avait donné à sa vie: d’un gars un peu trop fêtard, il est devenu beaucoup plus posé et sa vie plus tranquille. «J’étais le mouton noir de la famille. Quand j’ai rencontré Lorena, je me suis calmé et mes parents l’ont remarqué; ils l’avaient déjà mise sur un autel», confesse Cris. «J’ai réussi à dompter cette bête!» s’amuse Lorena, et tous deux fondent dans un éclat de rire franc. Je les regarde. Je les regarde et à travers l’écran, je ne peux m’empêcher de penser qu’avec eux, vraiment, humour et amour font la paire, c’est beau à voir.

 

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Un chien pour un même toit 

En juillet 2016, un an et demi après leur première rencontre, une surprise a changé le cours des choses. Un jour comme les autres, Lorena est allée ouvrir la porte de sa maison et a découvert une jolie petite chienne avec une lettre. En la lisant, elle trouva une proposition: Cris lui demandait de vivre tous ensemble et de former une famille, avec lui, sa fille Pau (qui bien qu’elle ne vive pas avec eux, fait activement partie de leur vie) et la nouvelle membre canine qu’elle venait de rencontrer. «Ma première bague de fiançailles, disons que c’était elle, Colita.» Sans faire durer le suspens, Lorena a accepté et dès lors, tout s’est accéléré. 

Cohabiter : rire et respirer! 

Ils ont commencé à construire ensemble l’avenir dont ils avaient toujours rêvé, tout en faisant face aux nouveaux défis que leur imposait la cohabitation. Mais malgré les hauts, les bas et les différences, le sens de l’humour a été un pilier fondamental de leur relation. «On ne peut pas être en colère longtemps parce qu’à la fin, on se regarde, on rit et la colère passe» explique Cris. Décidément, ces deux-là me fascinent. Je réalise qu’une relation devrait toujours avoir autant de rire que de sérieux.

Conjoints de fait, pas facile en Amérique latine

Le fait de ne pas se marier avant de vivre ensemble a été un sujet délicat pour leurs familles, dont l’idéal est que les couples se consolident à travers le mariage. Toutefois, tous deux ont apporté la preuve irréfutable de leur engagement. Ils ont subi des bouleversements, des problèmes de santé significatifs, la perte de parents très proches et ils sont restés ensemble, fidèles, loyaux et avec la volonté de tout surmonter. Lorena était au bord d’une péritonite, et au milieu de plusieurs heures de complications au bloc opératoire, l’imagination de Cris le conduisit à imaginer sa vie sans sa compagne. «Ils m’ont fait entrer et ils ne m’ont même pas dit si elle était vivante ou quoi... J’étais pâle, je tremblais et je voyais double, je ne pouvais pas penser.» De la scène bizarre de Cris regardant l’abdomen complètement ouvert de Lorena - parce que le docteur voulait lui montrer quelque chose d’anormal - les deux en rient aujourd’hui. «Je la connais de l’intérieur et de l’extérieur!» Ça ne les a jamais effrayés, au contraire, ça les a rapprochés.

Une troisième vague de fiançailles!

À chaque occasion et face à chaque difficulté, leur engagement a largement dépassé les pressions des attentes sociales et, bien sûr, leur relation est aujourd’hui aussi forte que leurs valeurs et leurs principes. Le 6 décembre 2019, raconte Lorena, «Cris m’a formellement demandée en mariage avec un solitaire», symbole finalement «classique» que les deux me montrent avec fierté. L’éclat du solitaire est éclipsé par l’éclat des yeux et des sourires de mes amis, qui sont certainement de ces couples qui s'aiment «pour toujours». Quand Cris s’est agenouillé et a demandé Lorena en mariage, il a répété un geste vieux de plusieurs générations, mais avec une signification qui, pour eux, est très ancrée dans le présent.

« Dieu nous a préparés à nous rencontrer et à nous aimer, tout s’est passé naturellement, rien n’a été forcé.» Le confinement par la pandémie a retardé le mariage, mais leur histoire continue de s’écrire entre les rires. «L’amour est une décision», me disent-ils encore, et je crois que c’est le cas, sans aucun doute. Lorena et Cris m’ont inspirée à garder le cœur ouvert et l’espoir haut, parce que moi aussi, selon eux, je vais rencontrer l’amour quand je m’y attendrai le moins. Après l’interview, on raccroche et je soupire, comme toujours quand je regarde un de ces films d’amour en noir et blanc.

avril 14, 2021 — Cheryl Coello

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