Suemarr : les coulisses du documentaire

Par Hélène Lebon

Ce documentaire est l’histoire d’une rencontre «entre celle qui écrit les histoires en français et celui qui chante des chansons en japonais». C’est aussi une incursion dans la vie d’un artiste nippon, un être original dans un pays où l’originalité n’est pas de mise. C’est un entretien qui s’est tenu sur une des scènes underground de Yokohama, au Sammy’s, un bar que Suemarr affectionne particulièrement et où il chante régulièrement. Ce documentaire est aussi une confidence: la mienne sur ce qui m’attendait en le rencontrant. 

La rencontre par les écrans 

J’ai découvert Suemarr en écoutant la série Midnight Diner: Tokyo Stories sur Netflix, comme je l’ai expliqué dans un de nos podcasts. J’ai tout aimé de cette série: la direction artistique, les histoires, les recettes et, bien sûr, la musique. J’ai cherché frénétiquement la musique. Le thème d’ouverture et toutes les chansons qui jouaient dans chaque épisode. Il y a dans cette œuvre de fiction un réalisme qui me fascine. J’ai finalement trouvé le nom de Suemarr. Et un site web, un peu à l’ancienne, où acheter ses CDs, dont celui qui a été retenu par les producteurs de la série. À tout hasard, je commande. Je l’ai bien reçu, avec un gentil mot en plus. 

 

Coulisses Suemarr + Lebon Trait d'union

Où est Suemarr? 

Je continue de chercher. Je trouve le profil @blindsue sur Instagram et je le contacte. Je découvre l’univers de Suemarr, son quotidien s’ouvre à travers ses photos. Des petits bars, des assiettes, des clopes, des amis, des chapeaux et des concerts. Et puis nous. Car nous aussi, nous avons désormais notre photo sur le mur de sa vie. Une galerie de quelques clichés, postés le 21 février 2020, le jour de notre départ du Japon. On y voit mes yeux un peu rougis, car j’ai rencontré un chanteur et j’ai laissé un ami. Partir n’est pas toujours facile.

 

 

 

Le premier, pas le dernier documentaire 

C’est aussi l’essence de ce mini-documentaire. Un premier en équipe, juste Mario et moi. Un premier qui aura mis beaucoup, beaucoup plus de temps que je ne pensais à voir le jour. Un premier, mais certainement pas le dernier, ni le dernier sur le Japon car ce pays me fascine toujours autant. Car nous avons filmé d’autres rencontres, car j’ai ouvert une boîte de pandore, mais dans le bon sens du terme. J’ai connecté avec ces gens, ce pays, sans pourtant en parler la langue. 

Et ça, c’est aussi pourquoi ce documentaire a pris tant de temps. Enfin, c’est une des raisons. Quand on a fait l’entrevue, j’avais partagé à Suemarr les points et thématiques que je voulais aborder et il m’avait écrit ses réponses pour chacun. Et, honnêtement, une fois n’est pas coutume, mais heureusement qu’on a fait ça! Sur place, pas de traducteur, juste Google translate. Je parlais en français, mon téléphone répétait en japonais ce que je devais avoir dit. Et Suemarr répondait en japonais. Mais je n’avais pas de retour de traduction. Je me fiais à ce qu’il m’avait envoyé, aux petits mots que je reconnaissais et à notre bonne volonté, à tous les deux, de faire de notre mieux. 

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Souvenirs de tournage

Quand on l’a rencontré pour l’entrevue au Sammy’s, j’avais le décalage horaire dans le corps et mes yeux se sont fermés quelques fois pendant le concert qui a suivi l’entrevue. Mais j’ai eu le temps de me rattraper, on s’est retrouvés le lendemain pour visiter Yokohama, puis à la fin de notre séjour, à Tokyo, au Woodstock Café. Ce n’est pas forcément la version la plus finale du documentaire -on peut toujours s’améliorer-, mais j’ai appris par un ami rencontré là-bas, un autre fan de Suemarr, que ce petit bar allait fermer le 23 avril. Je voulais donc sortir le documentaire avant. En souvenir de notre concert là-bas, des gyozas mangés au restaurant chinois au-dessus où Suemarr va toujours manger avant de se produire sur la scène. Et aussi, parce qu’on y a été bien reçus, comme partout. 

 

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Le monde des izakayas

Suemarr nous a fait découvrir des tout petits bars, des izakayas typiques. Maintenant, je comprends mieux pourquoi sa musique colle si bien à la série de Netflix. Il connaît ce monde mieux que quiconque. Il s’y produit souvent, il a ses entrées. Au Morohoshi Saké Bar, qui apparaît dans notre documentaire, des clients nous ont apportés des petits cadeaux. On était hors des sentiers battus, loin des circuits touristiques et on a été, une fois de plus «accueillis». De quoi tomber toujours plus en amour avec le Japon! 

Il y a eu aussi son ami du café italien qui nous a préparé des spaghettis dont lui seul à le secret et qui est un grand fan de David Bowie, à Yokohama. Lui aussi, singulier, attachant, et Suemarr le connaît bien. 

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La chanson des au revoir

Il a chanté Hallelujah en japonais, c’est là qu’on a enregistré une partie de la chanson dont Mario a monté le vidéoclip. C’est la dernière soirée qu’on a passée ensemble, prolongée jusque tard à l’hôtel où je lui ai pris une chambre pour qu’il reste avec nous, puis le lendemain jusque vers midi, quand il a fallu, nous, partir vers l’aéroport, lui vers un autre concert. Dernier jour au Japon, je contemplais par la fenêtre la beauté du jour qui se lève sur la ville, la chance d’être à Tokyo, la chance d’avoir rencontré Suemarr et d’en être devenue l’amie. Mon papa a appelé à ce moment-là: ma marraine venait de s’éteindre, de l’autre côté du monde. Tant de joie et tant de peine, en même temps. N’étais-je donc pas au pays des extrêmes? 

Finalement, la COVID est arrivée. En février 2020, on commençait à s’en inquiéter un peu, on ne savait pas ce qui s’en venait alors. On a été les voyageurs de cette dernière fenêtre, d’avant la pandémie. Quand on était à Yokohama, le Princess Diamond qui était dans son port faisait les manchettes. Depuis, toutes nos vies ont changé. Celle de Suemarr, artiste qui vit de ses ventes de CDs, articles et des tickets de spectacles aussi a pris un tournant plus difficile. Pour le soutenir, on a décidé d’inclure dans notre boutique un portrait de lui que Mario a pris, un cliché pour lequel nous lui remettrons 100% des bénéfices. Et puis, on espère aussi que ce documentaire montrera un aperçu de son immense talent.

avril 20, 2021 — Hélène Lebon

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