L’anniversaire de mon père, la mer en cadeau

Par Hélène Lebon

Avec mon papa, «je faisais du globe» quand j’étais petite. Sur mon globe d’enfant, avec écrit «Zaïre» et «URSS» dessus - c’était comme ça à l’époque -, je m’évadais comme on tournait la sphère dans ses moments père-fille. Il y a quelques jours, j'ai acheté ma première maison, sur une île, de l’autre côté de l’Atlantique, dans un pays dont je n’ai pas encore la nationalité. Et mon papa, comme quand j’étais petite, parcourt avec moi cette géographie qui nous unit. Il regarde les marées, les parcs près de chez moi et les nouvelles de mon coin de pays. Ensemble, on voyage et aujourd’hui, la flamme de ses bougies d’anniversaire me réchauffe le cœur.

 

 

Mon père. Je ne pourrais pas en être plus fière. Je suis sa fille au vent, j’ai hérité de sa passion de l’Ailleurs. J’ai dans mon coeur ses récits de marin - enfin, ce qu’il a bien voulu m’en dire car chacun a ses secrets - et dans mes souvenirs personnels, ses photos de voyage d’un autre temps, des palmiers ou des cocotiers, du fuel à mon imaginaire d’enfant-nomade. Papa aime maman et quand ils se sont mariés, il a divorcé de la mer pour garder la mienne près de son cœur et fonder une famille. Et avec ma petite sœur, nous sommes là. - Nous sommes là, papa, et je t’en remercie.

 

 


Je ne raconterai pas toutes ses anecdotes de jeunesse; foutu le feu sur le plancher neuf des voisins de papi et mamie Nicole, déchiré ses fonds de culotte en courant après les rats de la décharge, je ne raconterai pas tout, mais j’évoquerai le sens de l’aventure, l’importance du vivre-ensemble et le plaisir du voyage. Te rappelles-tu, papa, quand tu as garé le «Toy» sur le nez? Ce bon vieux BJ42 châssis court de chez Toyota et meilleur ami de mon enfance? Nos randos de 4x4, la CIBI, le chocolat chaud dans le thermos, Bernard et sa Renegade Jeep un peu capricieuse, et tous les autres amis avec leur véhicule. Franchir les «gouilles», comme on dit dans ma région, ces passages de boue sur les chemins, les franchir sans aide ou avec les sangles, tiré par les copains, mais les franchir, toujours en convoi. L’aventure du chemin, tous ensemble, quelle belle expérience, quel riche apprentissage!

 





Il y a aussi ce road trip, quand on est parti dans le Sud à la saison des amandiers qui fleurissent. On est parti tous les deux et les bribes de ces instants que tu m’as offerts s’invitent dans ma mémoire chaque fois que l’écume rencontre mes pieds. Et ça arrive souvent, ces temps-ci, car la plage n’est plus très loin de chez moi. La vie comme les vagues, je sais - du moins j’essaie de retenir - qu’avec les creux viennent les dos et vice versa. Les yeux rivés sur l’horizon, je respire l’air salin comme une «iode aux possibles», avec ma maison sur une île, je me sens en voyage.

 

 

Aujourd’hui, c’est ton anniversaire papa. Et comme cadeau, alors que je suis loin et que ma petite carte arrivera en retard, je voulais te montrer ce que j’ai appris de toi. Comme cadeau, plus que tout autre chose, je voulais te partager mes souvenirs de toi. Aujourd’hui, c’est ton anniversaire et le monde est bien meilleur avec toi. En tout cas, moi, je suis bien meilleure avec toi et je te souhaite encore des bougies à souffler et des bougies d’allumage, car il faudra continuer de parcourir des kilomètres pour se voir. Je t’attends sur mon île, papa marin, et ma maison s’ennuie de te voir avec maman. Ma valise trépigne, mais je sais que la tienne aussi alors viens donc quand tu pourras, la porte est ouverte! À bientôt!

décembre 22, 2020 — Hélène Lebon

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